Pour le Black Friday, la Camif joue du nudge marketing pour inciter à une consommation durable

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Cette année encore, la Camif, e-commerçant du meuble et de la décoration d’intérieur, ne se pliera pas au rituel du Black Friday. En lieu et place des réductions monstres, il incite les consommateurs à s’interroger sur leur comportement. Un argument marketing assumé auprès d’un public de plus en plus à l’écoute pour l’entreprise qui peut désormais compter sur le soutien dans cette voie de son tout nouvel actionnaire majoritaire, la Maif. Emery Jaquillat, PDG de la Camif a partagé sa démarche avec Enjeux Marketing.

Pour la 5e année consécutive, la Camif boycotte le Black Friday du 26 novembre. Cette fois, pas de fermeture du site, mais pas de réductions massives des prix pour autant. Le e-commerçant spécialiste du meuble et de la décoration d’intérieur déploie un dispositif de marketing incitatif (nudge) pour accompagner ses clients et les autres vers une consommation plus responsable. Comme son PDG, également président de la communauté des entreprises à mission, Emery Jacquillat l’a expliqué à Enjeux Marketing, il s’agit de partager les convictions de l’entreprise qui se targue de pratiquer un e-commerce durable. Au point d’en faire un argument marketing, aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, puisqu’il s’agit de conseiller à ses clients… de moins acheter !

Mais la démarche correspond aux convictions affichées par la Camif (réutilisation, sélection de fournisseurs durables, etc.), désormais partagées par son nouvel actionnaire majoritaire, la Maif. L’assureur a en effet annoncé, le 23 novembre, sa montée au capital du e-commerçant à hauteur de 82%. Un soutien affiché à une stratégie de e-commerce durable, opposée de celles déployées par les géants du secteur.

« En 2017, lors de notre premier boycott du Black Friday, nous avons perdu notre meilleur jour de ventes annuel, 500 000 euros de chiffre d’affaires. » Emery Jacquillat, PDG de la Camif, convaincu de l’efficacité grandissante d’un marketing poussant les consommateurs à un comportement d’achat plus responsable. (Camif DR)

En 2021, en plus de boycotter le très lucratif Black Friday, la Camif a donc entrepris de promouvoir la consommation responsable auprès de ses clients et des autres avec une opération à l’acronyme évocateur : bisous. L’acronyme invite le consommateur à s’interroger avant d’acheter. Avec un B pour besoin : à quel besoin cet achat répond-il ? Un I pour immédiat : en ai-je besoin immédiatement ? Un S pour semblable : ai-je déjà quelque chose de semblable ? Un O pour origine : quelle est l’origine de ce produit ? Un U pour utile : cet objet va-t-il m’être utile ?  Un S pour socialement responsable : mon achat a-t-il un impact positif sur le plan social ou sociétal ?

Un test « Dis-moi quel consommateur je suis ? »

Concrètement, sur le modèle du nudge marketing, la Camif publie sur son site un test « Dis-moi quel consommateur je suis ? » et des conseils sur le sujet. Et depuis la veille du Black Friday, ce sont des passages obligés avant de passer une commande. L’entreprise a aussi lancé une campagne « BISOUS » qu’elle espère virale sur Instagram, avec un filtre à partager. « 80% de nos clients sont de nouveaux clients, insiste Emery Jacquillat. Des plus jeunes, qui ne sont pas instituteurs – la clientèle exclusive historique des débuts de la Camif, NDLR – » Plus étonnant, à Niort où est installé le siège social de la société, les postiers distribueront des cartes postales « BISOUS » à domicile cette fois aux clients les moins présents sur les réseaux, et publieront des photos associées sur Instagram.

La journée la plus rentable de l’année en sacrifiée aux convictions de l’entreprise

Le 19 et le 24 novembre, la Camif a aussi diffusé deux émissions en direct sur son site avec des experts du sujet qui ont inspiré sa campagne. La première est intitulée « Comment changer nos modes de consommation ? Comprendre nos freins et agir » et la seconde « L’économie circulaire et solidaire : une solution ? Agir depuis chez soi et décorer autrement. »

La Camif a relayé sa campagne dans les réseaux sociaux, dont Instagram.

 

« Quand nous avons boycotté le Black Friday pour la première fois en 2017, nous avons perdu notre meilleur jour de ventes de l’année, se souvient Emery Jacquillat. 500 000 euros de chiffre d’affaires. Pourtant, plus de 1000 sites ont suivi le mouvement et en 2019, cela s’est un peu structuré avec Make Friday green again. C’est une stratégie de long terme. » Le PDG de la Camif est convaincu de l’efficacité grandissante d’un marketing de ce type d’opération, de démarche, qui consiste pourtant à pousser les consommateurs à finalement moins acheter pour être plus responsables.

Les codes de la communication commerciale adaptés à la communication responsable

« Pour que ça marche, il faut qu’on en parle, insiste-t-il. Si on avait fermé le site ou boycotté le Black Friday sans en parler, ça n’aurait pas eu de sens. Il n’y a pas d’incompatibilité à utiliser les codes de la communication commerciale pour faire de la communication responsable. Et aujourd’hui, les citoyens sont plus matures et décryptent de mieux en mieux le greenwashing. » Le PDG de la Camif estime qui plus est que la démarche n’est pas incompatible avec la performance économique. Le site a affiché 44% de croissance en 2020 et 34% au premier semestre 2021.

« Les consommateurs se tournent vers des marques engagées. Et nous sommes sortis du schéma du consommateur responsable « bobo ». Cela devient un sujet de mass market. L’analyse des profils de nos clients montre ainsi qu’ils n’ont pas forcément plus de moyens que les autres. Pas de CSP+. En revanche, ils sont plus éduqués, plus mûrs sur ces sujets. Nos produits sont plus chers qu’un premier prix mais ils répondent à l’équation fin du monde – fin du mois. »

Depuis juillet 2021, la Camif ne vend plus aucun produit fabriqué hors de l’Union européenne.

 

Des fournisseurs qui respectent conditions sociales et environnementales

« Nous sommes engagés dans la consommation responsable et sa promotion, explique Emery Jacquillat. Cela signifie un commerce dans le respect des conditions sociales et environnementales. Mais cela veut dire aussi que nous devons expliquer, sans stigmatiser, qu’on doit débrancher son cerveau, ne pas précipiter ses achats. » En 2017, lors de son premier boycott du Black Friday, la Camif entrepris de collaborer avec des entreprises de recyclage et de réparation comme le recycleur de matelas Secondly. Elle vend des meubles de literie par exemple fabriquée par les employés en situation de handicap de l’Esat (Établissement et service d’aide par le travail) du Hameau à Pau.

Aujourd’hui, 78% de ses ventes concernent les produits de 106 fabricants français. « De plus, en juillet 2021, nous avons totalement arrêté de faire appel à des fournisseurs hors de l’Union européenne, continue le PDG. Ils représentaient encore 7% de l’ensemble. » Encore une décision avec un impact difficile puisque certains rayons comme l’électroménager ou le mobilier de jardin se sont vidés ! Le site ne dispose ainsi plus que d’une référence de micro-ondes. Mais elle s’est néanmoins imposée, car les clients de la Camif lui reprochaient la présence à son catalogue de produits en provenance de Chine, par exemple.

Le PDG de la Camif affirme disposer d’une image de marque affirmée sur ces aspects confirmée par un sondage IFOP qui la classe marque préférée des Français sur l’ameublement maison pour son engagement responsable. « Nous en récoltons les fruits, et c’est pour le bien commun. »

Emmanuelle Delsol

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