Alice Guehennec est directrice du digital et des systèmes d’information du groupe Saur depuis 2019. Dans cet entretien, elle présente les deux volets du programme de transformation digitale mis en oeuvre par cet acteur spécialisé dans la gestion du cycle de l’eau : l’un portant sur la transformation du métier grâce aux données, l’autre sur l’industrialisation de la DSI. (Photo Thomas Léaud)

CIO : pour commencer, pouvez-vous nous présenter le groupe Saur et ses différents domaines d’activité ?

Alice Guehennec : Saur est le premier pure player de l’eau en France et à l’international. Nous sommes aussi le premier acteur du secteur à avoir engagé une démarche de certification B Lab. Le groupe a été créé en 1933 à Limoges, sous le nom de Société d’aménagement urbain et rural. Il fournit aujourd’hui de l’eau potable à environ 20 millions d’usagers dans le monde et emploie plus de 12 000 collaborateurs. Hormis la France, le groupe est notamment présent en Espagne et au Portugal, ainsi que dans le reste de l’Europe et au Moyen-Orient. À travers notre filiale industrielle, nous opérons également en Asie, aux États-Unis et en Amérique du Sud.

Saur a trois grands métiers. Son métier historique consiste à assurer la gestion et l’exploitation des usines de production et de traitement d’eau, ainsi que l’exploitation opérationnelle et la maintenance du réseau de distribution, généralement pour le compte de collectivités. Le second métier est l’ingénierie, avec la construction d’usines de production d’eau potable ou de retraitement des eaux usées, ainsi que la réalisation de travaux sur le réseau d’eau. Nous avons plus de 210 000 km de réseaux à entretenir. Enfin, le troisième métier est la construction d’usines en amont et en aval de sites industriels, pour des secteurs avec une forte utilisation d’eau, comme la pharmacie ou l’agroalimentaire. Nous leur fournissons aussi des solutions technologiques pour gérer la ressource en eau, à travers notre filiale Nijhuis Industries.

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CIO : quels ont été ces premiers projets ?

Alice Guehennec : nous avons construit les fondations de la plateforme digitale du groupe, centrée sur les données. Le groupe Saur dispose en effet d’un grand nombre d’équipements industriels, avec des milliers de capteurs. Chaque jour, nous avons plus d’un million de données différentes qui remontent de ces équipements OT (operational technologies). Pour en tirer de la valeur, il nous fallait reconstruire une plateforme IoT – il en existait une, mais assez ancienne. Dans la même optique, notre but est de rendre communicants tous les outils d’information : le logiciel de CRM, le système d’asset management avec lequel nous gérons la maintenance de nos équipements, l’application de planification avec laquelle nous gérons les interventions de nos 5000 techniciens, etc.

Nous avons aussi créé une plateforme pour les consommateurs, avec un site Web et une application mobile, qui fournissent des téléservices pour les usagers. La data platform est au centre de ce nouveau système d’information. Nous avons modernisé une grande partie du système d’information, avec un nouvel outil de planification, un nouveau CRM, etc. Cela a eu un énorme impact sur la manière d’opérer les services de l’eau : il s’agit bien d’un projet de transformation d’entreprise, pas d’un projet purement technologique. Dans ce programme, les équipes métiers et IT travaillent de concert.

CIO : les données et l’intelligence artificielle tiennent un rôle essentiel dans cette transformation métier. Pouvez-vous nous présenter quelques-uns des cas d’usage sur lesquels vous travaillez ?

Alice Guehennec : actuellement, le volet Transform en est à sa deuxième étape : l’ajout de l’intelligence artificielle pour aider à la décision, faire du prédictif au lieu du réactif. Nous orientons les usages de l’IA autour de notre mission, défendre l’eau, qui se décline en trois objectifs : protéger et sauvegarder l’eau en qualité et en quantité, développer et soutenir les territoires et enfin promouvoir un usage plus responsable de l’eau. Nous avons coutume de rappeler que sur les plus de 70% d’eau présents sur terre, moins d’1% seulement est potable. Dans un contexte de sécheresse croissante en France, et plus encore dans d’autres pays, l’eau est une ressource sous tension. L’IA et les données permettent d’agir face à ces problèmes et vont nous aider sur nos trois objectifs. Sur le premier, elles nous aident à effectuer un suivi en temps réel de la qualité de l’eau, à surveiller la ressource en eau et à prédire le niveau de consommation, en vue ensuite d’alerter et d’agir sur les comportements. Sur le second point, l’IA nous aide à réduire notre consommation énergétique. Le groupe Saur vise d’ailleurs pour 2022 100% d’énergie renouvelable. L’IA contribue également à réduire les réactifs chimiques utilisés pour le traitement de l’eau, ainsi qu’à réduire les pollutions qui se produisent parfois lors des orages, en cas de débordements. Elle aide aussi à réduire les pertes d’eau au niveau du réseau : nos algorithmes permettent de détecter la localisation probable d’une fuite et peuvent même indiquer là où des fuites sont les plus susceptibles de se produire, afin d’agir en amont.

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Aurélie Chandèze

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