L’éditeur de social media listening veut financer son développement aux États-Unis entamé avec l’acquisition de Scoop.It. Il compte aussi pousser plus loin ses développements technologiques en IA et l’analyse sémantique des conversations dans les réseaux sociaux. (capture Linkfluence)

Linkfluence, spécialiste du social media listening, l’écoute des médias sociaux pour les marques, lève 8 millions d’euros auprès de Ring Capital, Tikehau Capital et de ses investisseurs historiques dont Sigma, Kreaxi, 360 Capital Partners et BNP Paribas Développement. Deux pivots et 5 levées de fonds émaillent déjà l’histoire de la jeune pousse depuis sa création en 2006. Longtemps, elle n’a vendu que sa solution SaaS de social listening Radarly accompagnée de services de personnalisation par ses analystes et data scientists pour certaines industries. Fin 2018, la faveur d’un précédent tour de table et de l’acquisition quasi concomitante de la plateforme de curation Scoop.it, la jeune entreprise a décidé d’automatiser ces services et de les intégrer directement dans son offre logicielle. C’est chose faite depuis début 2019. Le pari est double : séduire les Américains et rendre le passage à l’échelle du modèle plus facile. Aujourd’hui, Linkfluence compte sur son nouveau financement pour y réussir en capitalisant sur ce pivot de son modèle et continuer à développer son IA assise sur les milliards de données issues des conversations sociales.

Langage naturel, machine learning, analyse sémantique

Radarly s’appuie sur de la reconnaissance d’image et du traitement du langage naturel (NLP), afin d’identifier et d’analyser les contenus des publications. Et pour accompagner les marques dans la compréhension de leur influence, les algorithmes de machine learning de Linkfluence analysent, eux, en temps réel ces milliards de conversations. L’éditeur a aussi développé une expertise particulière en analyse sémantique pour comprendre les différents langages de communication en jeu dans les médias sociaux. Au point qu’elle commence à l’utiliser sur d’autres sources de données comme les plateformes de feedback client (commentaires après une expérience client, recommandation à un ami).

« Historiquement, Linkfluence avait ce modèle bicéphale d’analyse, mesure, segmentation, interprétation automatique des conversations avec un accompagnement des entreprises en mode projet par nos équipes, raconte le CEO, Guillaume Decugis, co-fondateur de Scoop.it. Mais nous avons investi dans la structuration de données pour systématiser ces services et que nos clients puissent les utiliser directement. I

L’équipe ingénierie de Linkfluence (Photo Linkfluence)

ls accèdent ainsi à de nouvelles informations comme la mesure de perception de leurs marques, l’identification de communautés ou de tendances, etc. »

 

Des modèles statistiques personnalisés par secteurs

La startup a construit des modèles statistiques pour identifier la perception d’une marque, décrire les auteurs de publications, etc. Avec la concentration de ses clients dans certains secteurs (agroalimentaire, luxe, cosmétique, vin et spiritueux, automobile, etc.), elle les a personnalisés pour chacune de ces industries. « Les cosmétiques vont parler ingrédients et maquillage, les vins et spiriteux évoquent plutôt les moments de consommation, l’automobile s’attache aux caractéristiques techniques, » poursuit Guillaume Decugis. « La différence ne se faitplus sur le social listening seul, estime Guilhem Fouetilhou, co-fondateur de Linkfluence. Nous avons accumulé une très forte valeur sur ces domaines verticaux qui le reconnecteà l’activité des entreprises. » « Nous parlions hashtags et requêtes booléennes, se souvient Guillaume Decugis. Or les équipes marketing veulent entendre bénéfice produit, ingrédients, moments de consommation, marques… Chez Danone, ce ne sont pas 5 ou 10 geeks qui utilisent nos solutions, mais plusieurs milliers de collaborateurs ! »

Automatiser la compréhension et l’analyse des conversations

Pour une IA, la lecture et la compréhension d’une conversation sociale n’est pas aussi simple que la lecture d’un texte. La limite des 140 caractères de Twitter, et même son extension à 280 signes, conduit les internautes à user d’un langage adapté. Il faut aussi lire entre les lignes, car un utilisateur de Twitter qui trouve une marque innovante, ne va que rarement utiliser le hashtag #innovation pour autant ! Trop simple… Même constat pour un partage sur Instagram, une vidéo Tik Tok ou des échanges dans Minecraft. Pour structurer les données de la conversation et arriver à déterminer si le Tweet traduit bien une perception d’innovation, Linkfluence réalise donc une analyse sémantique avancée, applique de la reconnaissance d’image, etc. « Nous avons développé des modèles qui permettent d’établir un profil de l’internaute qui partage, son âge, son genre, précise Guillaume Decugis. Aujourd’hui, tous les outils de social listening savent suivre des hashtags, mesurer la part de voix d’une marque, etc. Mais ce que les internautes pensent de cette marque, le repérage de cibles marketing intéressantes pour elle et qu’elle n’atteint pas encore, n’étaient pas des éléments accessibles d’un simple clic sur un bouton. »

Mesurer la perception des marques et observer les tribus

Linkfluence a bâti deux offres supplémentaires sur sa plateforme Radarly, Social brand tracker et Tribes. La première mesure cette perception de marque, vis-à-vis de la concurrence par exemple, ou au moment d’une opération spécifique. « Quand Porsche a lancé son modèle électrique Taycan, raconte Guillaume Decugis. Nous avons évalué sa perception par les internautes comme une marque plus ou moins favorable à l’environnement. » Les utilisateurs de Social brand tracker peuvent accéder à tous les détails des publications puisque les publications dans les médias sociaux sont publiques. Tribes, de son côté, n’est plus à l’écoute des idées, des concepts, mais des personnes. Elles sont segmentées en tribus de fans de snowboard, ou de fous de pâtisserie, par exemple. Ces groupes d’internautes partagent une passion commune dans les médias sociaux et communiquent sur le sujet. La startup utilise le machine learning pour cartographier plus de 100 millions de profils publics avec des centres d’intérêt particuliers. Une cartographie évolutive en temps réel qui permet d’identifier ce qui anime ces communautés, ce qui les motive, la façon dont ils réagissent…

+25% d’utilisateurs la première semaine de confinement

La prise de conscience de l’intérêt des médias sociaux pour le marketing au fil des années a aussi aidé la startup. Avec un coup de pouce … du covid-19. Avec l’arrêt brutal des études en magasin, des focus groupe et de toute alimentation des CRM, même les plus sceptiques ont basculé vers la donnée sociale, seule disponible. Durant la première semaine du confinement, le nombre d’utilisateurs de Radarly a bondi de 25%. Linkfluence compte aujourd’hui 250 employés dont une centaine à Paris, et de bureaux à Londres, Dusseldorf, Singapour, Shanghai, San Francisco et New-York. Sa clientèle est composée de marques dont 19 apparaissent dans le classement Kantar 25 comme LVMH ou Danone, avec une concentration forte dans certains secteurs comme le luxe, l’agroalimentaire, l’automobile, etc. « Les États-Unis sont devenus notre 2e marché derrière la France, et sera sans doute le premier dès la fin 2020, » conclut Guillaume Decugis.

Emmanuelle Delsol